dimanche 5 novembre 2017

Falstaff : la mélancolie des soirées en demi-teinte


D'où vient que l'on sort de cette première avec un arrière-goût de déception, une sensation que ce Falstaff n'était pas un grand Falstaff ? Certes on a ri, mais on n'a pas été ému.
La scénographie d'abord, qui en dix-huit ans a pris un peu la poussière. Les panneaux coulissent en fond de scène, du garage à la laverie de Mrs Quickly, des murs de ce port de la Tamise au sombre chêne du Chasseur noir, ni sombre, ni chêne, simplement projeté sur la brique. Quelques figurants figurent et les nécessaires accessoires sont là, bien que relégués dans des coins, paravent très à cour, panier très au lointain. Il ne reste de la mise en scène que quelques gestes esquissés ou bien les gros effets de gros ventre. Point de façons dans les Après vous… Je vous en prie entre Falstaff et « Fontana », point de révérences aux Reverenza de Mrs Quickly, point de mystère sous le chêne qu'il n'y a pas.

C'est donc la musique de Verdi, dont Fabio Luisi cisèle les moindres détails, qui fait le spectacle, ainsi qu'une partie du plateau vocal.





Bryn Terfel semble étrangement à côté de son vecchio John, affublé d'une panse trop grosse, jouant sans grande conviction le comique plutôt que le sensible, comme désabusé, fatigué. Si la voix du grand Terfel est bien là, elle est à plusieurs reprises couverte par l'orchestre. L'artiste se mettra également en retrait aux saluts. Franco Vassalo campe en revanche un très beau Ford, qui laisse présager le meilleur pour son futur Scarpia. Varduhi Abrahamyan est très loin de Mrs Quickly, sans graves ni truculence. Aux côtés de la belle Meg de Julie Pasturaud, Aleksandra Kurzak manie son monde avec entrain et voix fruitée, malheureusement elle aussi couverte par l'orchestre ici ou là. Francesco Demuro est un peu pâle en amoureux transi. Excellents et très sonores Graham Clark (Dottore Cajus) et Rodolphe Briand (Bardolfo), le Pistola de Thomas Dear restant plus discret.



Mais un ange passe dans l'immense salle lorsque chante l'exquise Nanetta de Julie Fuchs : le temps s'arrête, suspendu à un aigu cristallin presque irréel de longueur et de légèreté.

Opéra Bastille, 26 octobre 2017
Photos © Sébastien Mathé

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