mercredi 8 mars 2017

Bérénice, partition pour un acteur : porter la pourpre


Défi personnel, besoin de s'exposer, de se mettre en danger, manque de moyens ? Francis Azéma, pieds nus, habillé en lui-même, joue Bérénice en solo. La pourpre drapée, jetée sur les épaules, en fichu sur la tête, ou portée en châle, fait se succéder, s'incarner les personnages. De face, de dos, de profil, depuis la coulisse parfois. Seul, l'acteur est-il vraiment seul ? Les silhouettes entrent, les fantômes sortent, dans un rai de lumière ou un fracas de porte. Les ombres passent dans cette forêt sans feuilles, stérile, derrière ces barreaux de la prison du pouvoir, de la prison de l'amour. S'assoient parfois sur le banc bancal. 
Et dans une salle captivée où pas une toux, pas un mouvement, ne vient troubler l'écoute, le vers est roi, le poème est à nu. Tout simplement beau.

Partition mathématique, où chaque personnage est différent de l'autre. Parfois même sans que la pourpre ne bouge sur le corps. Un accent, un ton, une posture, suffisent. Ainsi Titus est empereur et Antiochus est roi. À l'optimisme d'Arsace s'oppose la gravité de Paulin. Phénice, avec son bon sens et son accent, frise la paysanne de Molière. Mais y aurait-il une difficulté à changer de corps sans caricature ? Bérénice apparaît comme une midinette, idiote peut-être. Le personnage reprend une certaine allure dans la tempête de ses questionnements, dans la tempête des troncs ou des barreaux, mais c'est sans noblesse que la reine quittera les lieux. 

 
La pourpre est abandonnée sur le banc bancal. « Hélas ! »
Qui dit ce « Hélas ! » ? Les six personnages, laissés là, par l'acteur.
 
Photos © Justine Ducat

Théâtre du Pavé, 5 mars 2017

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