samedi 26 janvier 2013

Maria Stuarda : high drama and queens


Rouges les poutres et les bouffons obscènes du château de Whitehall. Rouge l'improbable mariage du pantalon et du vertugadin dans la forêt de Fotheringay. Rouge la robe de mort. La seule provocation visuelle de David Mc Vicar, que l'on connaît plus fou, surtout quand il traite avec le diable.

 ©  Joyce DiDonato

Les reines se battent en duel à mots non mouchetés. Dans cette forêt lugubre de troncs calcinés, barreaux de prison sur une toile peinte de gris et noirs, la confrontation – pure fiction née de l'imagination de Friedrich Schiller – est battements, fouettés et bottes, vérités assassines : Figlia impura di Bolena, Figlia bastarda lance Marie Stuart à Elisabeth dans une scène sous très haute tension. Mais l'une a le pouvoir que l'autre n'a pas. Des années et intrigues plus tard, Elisabeth signera la condamnation à mort de sa rivale.

 ©  Sarah Krulwich





Mais l'autre ennemi, qui n'épargne pas même les puissants, est le temps qui passe. Déchéance du corps, alopécie que masquent difficilement perruques et fards exagérés, robes et bijoux : Elisabeth ne veut pas se voir si laide en ce miroir. Loin de là, Marie reste belle en ses noirs oripeaux, secouée de tremblements séniles.





La jeune Elza van den Heever, stature de Walkyrie, a la voix parfois désagréable, stridente dans les aigus. Mais sa composition d'Elisabeth, très inspirée de celle de Bette Davis (The Private Lives of Elizabeth and Essex, 1939) est celle d'une véritable actrice : la féminité ne peut exister devant les responsabilités. Elza van den Heever a même poussé la perfection jusqu'à se raser le crâne pour éviter les marques de bonnet sous les perruques posées haut sur le front.

Les hommes sont écrasés par les reines. Matthew Polenzani, récent Nemorino d'une extraordinaire Furtiva lagrima, est là en retrait, comme emprunté dans ce rôle trouble de Robert Dudley, qui fait semblant d'aimer une reine et l'autre – encore un fruit de l'imagination de Schiller.

 ©  Ken Howard






L'émotion est portée par l'interprétation subtile de Joyce DiDonato, en Marie idéalisée.
Sa poignante confession à Talbot dans cette cellule aux murs couverts des casket letters en graffitis, préfigure la scène de folie de Lucia, les fantômes hantent les intrigues chiffrées autant que les amours trahies.





Bouleversante est la prière finale qui émerge du chœur, et cette note pianissmo, presque inaudible, tenue à en perdre haleine, qui forcit et éclot comme une dernière explosion de vie. Marie se défait de ses vêtements terrestres, et c'est en robe rouge de martyre et le crâne presque chauve qu'elle monte à l'échafaud, où l'attend, dans le brouillard, un géant armé d'une hache démesurée.

 ©  Sarah Krulwich

Metropolitan Opera Live in HD, 19 janvier 2013

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