dimanche 9 décembre 2012

La Clemenza di Tito : la beauté ambiguë des messieurs-dames


La reprise de la mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle place des costumes du XVIIIe siècle dans les colonnes fissurées de la Rome antique. Polysémie du classique.

Opéra des conflits internes. Titus tiraillé entre amour et raison d'état ; Vitellia entre amour et ambition ; Sesto entre amour et amour.

Pâle, les yeux cernés, hanté par ses contradictions, Guiseppe Filianoti a mangé le lion auquel était destiné Sesto : son incarnation forte est loin de l'insipide Faust toulousain de 2009. Las ! son jeu lui vole sa voix : aigus en limite de justesse et vocalises poussives en font un Tito en grande difficulté.




Pour punir cette traîtresse capricieuse, Mozart impose à Vittelia un ambitus meurtrier. Il est négocié magnifiquement une Barbara Frittoli en peste dédaigneuse dans sa robe à la Vélasquez.









Opéra de l'ambiguïté des genres : charme, mystère, et fascination de l'androgyne [1]. La beauté plastique et vocale de Kate Lindsey (Annio) et d'Elina Garanča (Sesto) – brûlante Carmen sur la même scène en 2010 – leur interdit de passer pour des garçons. La furtive caresse sur les joues que leur fait Guiseppe Filianoti, d'une infinie douceur, est-elle celle d'un homme à ses partenaires féminines, ou celle d'un Tito équivoque à ses compagnons ?



Avec un Parto parto... d'anthologie puis un Deh, per questo istante solo poignant, ce Sesto irrésistible, d'une féminité inouïe dans sa loque de condamné, ferait rendre les armes à tous les Tito du monde. Cléments ou non.

Photos © Ken Howard

[1] Michel Lehmann – L'identité vocale ou « c'est la voix du bien-aimé », Un thé à l'opéra, théâtre du Capitole, mars 2012

Metropolitan Opera, Live in HD, 1er décembre 2012

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